Yasmine Yahiatène est une artiste pluridisciplinaire. Elle se forme à la vidéo et à la performance à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai, à l’Université des Beaux-Arts de Valence en Espagne ainsi qu’aux Rencontres Audiovisuelles de Lille. En 2016, son installation de vidéo mapping Ma mère, aussi est exposée à Lille et en Suisse. Le projet de vidéo mapping projeté sur la gare Lille-Flandres, “J’avais 10 ans” (création collective), remporte le deuxième prix du Concours International de Vidéo Mapping de Lille. En 2019, elle crée le Collectif Oxo avec lequel elle porte le projet “OXO Beat Gender”, une installation vidéo interactive mettant en avant cinq portraits de femmes oubliées de l’histoire. “OXO Beat Gender” est exposé à la Galerie Never Apart pour l’exposition Micro-Mapping 2019 à Montréal ainsi que pour l’exposition Matilda au BRASS en 2022 à Bruxelles.
En parallèle, Yasmine tourne en 2017 dans le film Plein la vue de Philippe Lion et commence sa collaboration avec la Compagnue La neige sur les cils comme interprète et vidéaste dans le spectacle À ta place, créé au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes 2021 qui tourne en France jusqu’en 2023. En 2020, elle porte sa première création pour la scène et entame l’écriture de La Fracture, spectacle dans lequel elle s’expose, interprète son histoire seule au plateau et utilise la vidéo comme partenaire de jeu. Avec La Fracture, elle décrypte une relation intime et complexe, celle avec son père. En cherchant à renouer le contact avec celui-ci, et ce, à travers de multiples dispositifs. Elle revient sur la guerre d’Algérie, l’enfance de son père en Kabylie, son exil, son alcoolisme et sur les points communs entre ces sujets, le silence, le tabou et la honte pour entamer un travail de réparation et de résilience. La Fracture est créé en 2022 à l’Atelier 210 (Bruxelles, BE) en co-présentation avec le Kaaitheater et est programmé au Festival Actoral (Marseille, FR) ainsi qu’au Festival Fast-forward (Dresden, DE) où il remporte le prix du jury jeune de la meilleure performance. Le spectacle est nommé au Prix Maeterlinck de la critique dans la catégorie meilleure scénographie, et remporte également le Prix Lycéen au Festival Impatience 2023, à Paris. La tournée de “La Fracture” se poursuit sur la saison 2024-2025 et 2025-2026 avec entre autres des dates à Lyon, Berlin, Bruxelles mais aussi à Nantes et sur l’île de la Réunion.
Portée par une dynamique de “l’intime est politique”, Yasmine est invitée par la Bellone, en novembre 2022 en résidence sur un futur projet, Les châteaux de ma mère, avec lequel elle poursuit ses recherches identitaires liées à ses racines mais cette fois par le prisme des figures féminines de sa famille, sa mère, et son propre rapport au silence, au tabou et à la honte. Elle continue ses recherches pour cette création prévue en septembre 2026 au Théâtre de Liège et dont la production est portée par l’Atelier 210 en coproduction avec le Théâtre Varia et les Halles de Schaerbeek. En parallèle, elle crée le projet Le château de mes tantes avec Samy Barras et Pauline Vanden Neste, projet d’installation interactive réalisé par et pour une petit groupe de femme Belgo/Marocaines ou Belgo/Algériennes sous forme de jukebox de mémoires de femmes.
En mai 2023 elle est invitée par la CITF et WBI pour participer à la pépinière d’artistes à Montréal, une rencontre entre différent·e·s artistes de la francophonie autour du thème FLAMBOYANT·E·S COMME DES ORACLES. En février 2024, elle joue dans le long métrage “All the time” de Amélie Derlon Cordina (sortie prévue en 2025).
ENTRETIEN
- F comme ?
Frère. Famille. Femme.
- Quelle est la genèse du projet ?
Des discussions avec mes amis sur le premier spectacle, La Fracture, et surtout des discussions avec ma mère à propos ce spectacle. En sortant du spectacle, nous étions avec ma mère devant le théâtre, on fumait une cigarette et elle m’a dit : « Tu sais, moi non plus, je ne t’ai rien raconté ».
- Pourquoi le 3 bis f pour ce projet ?
J’ai commencé à faire des recherches sur la santé mentale des femmes, en lien avec l’histoire de ma mère. Cela avait donc du sens de venir travailler au 3 bis f, dans le cadre d’un partenariat avec le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris. En plus, elle a étudié à Aix-en-Provence, elle y a passé son concours de conseillère d’orientation.
- Comment travailles-tu ?
Ohla… Là, pour ce projet, j’ai beaucoup travaillé toute seule jusqu’à présent. J’ai pris le temps de composer une équipe, de les voir chacun.e en solo dans un premier temps. Puis j’ai créé ce que l’on appelle une « mallette dramaturgique » : un dossier partagé avec l’équipe avec des vidéos, des images d’archives de ma mère et moi. On commence les résidences en groupe à partir de décembre (au Théâtre Varia). Je fais confiance à mon équipe, iels vont mettre les mains dans cette matière. Je donne les impulses de départ et les laisse alimenter pour que cela devienne une matière commune, un tronc commun pour l’écriture du spectacle. Il y aura beaucoup de travail à la table d’abord lors des semaines de résidence sans ma mère, puis davantage de plateau quand elle sera là.
- Comment cohabites-tu avec ta folie ?
Et bien… plutôt bien dans le sens où je sais qu’elle est bien là… J’ai plusieurs stratégies pour éviter de déborder. Je suis quelqu’un qui suis beaucoup dans sa tête, je réfléchis beaucoup, je lis et vois beaucoup de choses, j’ai besoin de revenir au corps pour ne pas péter un câble ! Je pratique la menuiserie dans un atelier à Molenbeek. La menuiserie, c’est dangereux, il faut rester concentré. C’est ma bulle, hors du milieu de mes amis qui font du théâtre. Je marche aussi.
- Un livre, un film, un Podcast avec laquelle tu arriveras peut-être en résidence au 3 bis f ?
Plein ! Je viendrai avec le film Les Miennes de Samira el Mouzghibati. C’est un documentaire sur le rapport aux origines, la réalisatrice filme sa mère pendant longtemps. Il y a aussi le roman graphique de Lamia Ziadi Ma très grande mélancolie arabe. On doit trouver encore comment on va entrer dans l’histoire de Nora, ma mère. Elle aurait adoré être fleuriste ou nez. On va peut-être aller chercher du côté des essais botaniques. J’aurai aussi avec moi le film Bye bye Tibériade de Lina Soualem, le texte Finir en beauté de Mohamed el Khatib.