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MAUD PIZON

Résidence de création | novembre 2023 & janvier 2024  
Laurent Eisler

Après une formation de danse contemporaine au sein de la compagnie professionnelle Coline, Maud Pizon devient notamment interprète pour les chorégraphes Mié Coquempot, Dominique Brun et pour la metteuse en scène Clara Le Picard. Elle suit la formation en Cinétographie Laban au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. Dès 2011, elle commence un travail personnel avec le solo Une conférence Isadorable. En 2017, elle cosigne la pièce A Taste of Ted avec Jérôme Brabant autour des danses de Ted Shawn et Ruth Saint Denis. Ces premiers travaux sont traversés par la recherche d’espaces de fiction entre les lignes du récit historique, par un point de vue particulier et volontiers humoristique. Ils sont aussi imprégnés, tout comme son parcours de danseuse, par un questionnement sur l’interprétation en danse.

Entretien avec l'artiste

  1. F comme ?


F comme Femme, le 3 bis f, c’était le pavillon des femmes. J’ai l’impression qu’il y a eu des heures sombres de la psychiatrie ici et en tant que feministe ça me touche. C’est peut être le symbole que la société a changé de regard par rapport aux femmes, ça a du sens aujourd’hui en tant qu’artiste femme, même s’il faudrait encore faire évoluer ce regard. Avant, c’était le contexte social qui les rendait malades, difficile de ne pas “exploser” dans une société aussi limitante. Et pour celles qui explosaient, des “traitements” de chocs une double peine. Et on vient de là… C’est un lieu qui amène ces questions. Dans mon projet, j’ai une équipe de femme qui m’accompagne et ça me tenait à coeur. Des femmes musiciennes jouant de la batterie et de la guitare électrique ce n’est pas si courant, ce sont souvent des hommes. Femmes où hommes ce n’est pas tellement la question. Je ne voulais pas que dans le projet, il y ait une sorte de masculinité écrasante.


  1. Quelle est la genèse du projet ?


C’est un questionnement que j’ai depuis ma formation de danseuse. Quand on reprend une danse, pourquoi le fait-on de manière patrimoniale ? Pourquoi quand on travaille l’interprétation, on ne qualifie pas cela de créatif ? On reconnaît la création dans la chorégraphie, mais pas dans le travail de l’interprète en danse. Ça m’a toujours frustrée qu’on ne reconnaisse pas ce travail. C’est comme si il s'amalgamait avec la chorégraphie, alors qu’en musique pop j’ai toujours apprécié plusieurs reprises d’une chanson, car on perçoit le travail de l’interprète et on redécouvre la chanson à chaque fois. Avec Cover, j’ai voulu tenter cette transposition musicale et théâtrale, faire un travail de mise en œuvre, de mise en scène d’une chorégraphie. Il y a aussi une liberté de reprendre des œuvres n’étant pas dans son “sérail”. En danse, il ne faut pas “sortir de son répertoire”, alors qu’en musique pop, on s’en fout de ça… 

Les œuvres, je les ai choisies avec le cœur. Dans la pièce, je voudrais qu’il y ait mon rapport aux œuvres à travers ma prise de parole. Parole improvisée qui se reliera par le biais de l’intime. Comme en concert quand le chanteur raconte des anecdotes, elles résonnent avec une histoire plus grande, il y a un positionnement et des questions politiques qui passent par le prisme de l’intime de manière non didactique mais émotionnelle. Dans ce projet, j’ai envie de convier l’émotion, la sensibilité et l’empathie. L’émotion est toujours là dans une création, mais on ne commence pas forcément par là, et dans ce projet,  j’ai envie de débuter par là.


  1. Pourquoi le 3 bis f pour ce projet ?


J’avais envie de travailler dans des conditions dans lesquelles je me sente bien, proche de la démarche, entourée d’une équipe bienveillante. Une façon de prendre soin du projet et de prendre soin de moi aussi. Ça m'intéresse d’être dans un lieu où la question du soin est centrale. Je trouve que le milieu artistique n'est pas toujours tendre. Je me suis retrouvée dans des situations pas toujours confortables. Pour être dans un processus créatif, c’était important d’être dans un lieu où l’on cultive la bienveillance et où on questionne le soin. Ça permet aussi de produire de la bienveillance dans le projet et si possible autour. On sort aussi d’un “entre-soi” culturel. Il est à la croisée de la culture savante et populaire, on n’est pas dans un endroit de spécialistes.


  1. Comment travailles-tu ?


Pour ce projet, je prends des “bains” de danse. C’est un peu une expérience scientifique, j’expérimente des pratiques que je souhaite transposer. Je me compare à un chanteur fredonnant des airs jusqu’à les connaître par cœur et imaginer comment les reprendre, chose qu’on ne fait pas en danse. J’essaye de le faire comme si j’étais au coin du feu ou dans ma chambre. Il faut que je danse dans différents endroits et j’essaye de laisser venir une interprétation qui donne un point de vue autre, de partir de ce que je suis, en essayant de ne pas me juger. L’idée de reprendre l'œuvre, qu’elle révèle un point de vue, qu’elle donne une autre facette de l'œuvre, sinon ça n’a pas tant d'intérêt pour moi. Il y a des œuvres que j’ai laissées tomber parce que je ne voyais pas comment les interpréter.


  1. Comment cohabites-tu avec ta folie ?


Cette question m’avait marquée en la lisant. De quelle folie voulez-vous parler ? Disons que j’ai des obsessions artistiques. Ça me fait bizarre que des questionnements tournent en boucle depuis plus de 20 ans. Ce projet, j’y pense depuis 20 ans, ce questionnement-là était même déjà présent dans l’enfance, je trouve ça étrange et touchant à la fois, un peu obsessionnel ?


    6)  Vers où regardes-tu ? 


(rires) Bonne question…

Je la comprends en rapport avec mon parcours. Je ne sais pas, je l’entends comme ça. J’ai envie de regarder vers de nouveaux endroits de pratique de la danse pour moi. Explorer des chemins différents. J’ai été principalement interprète, jusqu’ici j’ai plutôt exploré des chemins tracés en partie par les autres mêmes, il faut s’y engager avec créativité. J’ai envie de suivre des chemins de manière tangente qui sont parfois peut-être des fausses pistes. Ça me fait regarder du côté de l’inconnu. 

COVER
étape de création | jeudi 11 janvier 2024 à 17h
Danse
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MY WAY
Session | mercredi 15 novembre à 10h
Danse
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